Québec veut tripler le nombre de tests quotidiens

Écrit par sur 27 avril 2020

Un dépistage massif, avec environ 15 000 tests par jour, est au coeur du plan de déconfinement du gouvernement Legault, a appris Radio-Canada. Des experts saluent cette volonté, mais restent sceptiques concernant la disponibilité des équipements.

Le Québec triplerait dans les prochaines semaines, approximativement, son nombre de tests quotidiens de coronavirus. Ce dépistage massif, mis de l’avant également par des pays comme l’Allemagne ou la France qui préparent eux aussi leur déconfinement, fait partie intégrante des mesures que s’apprêtent à dévoiler les autorités politiques et sanitaires en début de semaine.

Actuellement, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) affirme réaliser de 6000 à 7000 tests de dépistage du coronavirus par jour. Or, selon des données dévoilées par l’Institut national de santé publique (INSPQ), on parle plutôt de 4000 à 5000 tests quotidiens.

Dans les prochaines semaines, le gouvernement et les autorités sanitaires veulent accélérer la cadence et visent près de 15 000 tests quotidiens. On s’oriente vers cet ordre de grandeur, explique le directeur de santé publique de Laval, Jean-Pierre Trépanier. Un chiffre que nous a également donné une source du réseau de la santé.

Sans confirmer ni infirmer, le MSSS évoque quant à lui une hausse à définir et 463 tests par jour”,”text”:”une capacité [actuellement] de 14463 tests par jour”}}” lang=”fr”>une capacité [actuellement] de 14 463 tests par jour.

Les capacités vont être augmentées pour répondre aux besoins du déconfinement et aux besoins des milieux en éclosion ou milieux fermés.

Le directeur national de santé publique, Horacio Arruda, avait d’ailleurs donné récemment des indications en ce sens. Nous allons augmenter la capacité de tester dans nos laboratoires, avait-il déclaré en conférence de presse le 22 avril.

L’OMS en faveur d’un dépistage massif

Cette mesure irait dans le sens des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui a répété, ces dernières semaines, la nécessité de tester massivement la population. Les tests de dépistage du virus restent l’outil de base ‎pour la recherche active, le diagnostic, l’isolement et le traitement ‎des cas, a dit, la semaine passée, le directeur Tedros Adhanom Ghebreyesus. En France par exemple, les autorités sanitaires ont évoqué leur volonté de réaliser 700 000 tests par semaine, contre 5000 tests quotidiens au début de la crise.

François Legault et Horacio Arruda ont déjà fait part de leur volonté d’augmenter le nombre de tests durant le déconfinement.

Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot

Des discussions pour des cliniques mobiles

Augmenter sensiblement cette capacité de tester au Québec semble faire l’unanimité. C’est la meilleure solution, explique l’épidémiologiste de la Clinique du Quartier latin Nimâ Machouf. Si on ne teste pas alors qu’on déconfine, on ne peut pas savoir si ça marche et on peut rater notre coup.

Réaliser de nombreux tests rapidement, c’est un enjeu, assure de son côté le directeur intérimaire de santé publique de Lanaudière, Richard Lessard. Cette rapidité sera extrêmement importante dans les semaines à venir pour garder la courbe plate et éviter que le système ne s’emballe.

À Laval, une région durement touchée par le coronavirus, le discours est identique.

Ce qu’il va être important de suivre, c’est l’évolution de l’épidémie en fonction des scénarios de réouverture. On va pouvoir mesurer les effets. Pour ça, il faut qu’on soit capable de mesurer ce qu’il se passe dans notre population.

Les stratégies d’augmentation des tests pourraient varier selon les besoins et les régions, précise Jean-Pierre Trépanier. Sur la Rive-Nord, deux cliniques réalisent en ce moment, au total, une centaine de tests par jour, reprend-il. Ce chiffre pourrait être, au minimum, multiplié par sept, avec l’ajout d’une nouvelle clinique fixe.

Dans Lanaudière, la moyenne est de 250 tests quotidiens. On pourrait monter un peu. Si les moyens sont là, c’est possible, confie Richard Lessard.

À Montréal, on évoque un besoin d’au moins 10 000 tests quotidiens. L’idée serait d’être en mesure de réaliser des tests par le biais de cliniques mobiles dans les écoles et les milieux de travail, afin, en cas d’éclosion, de retracer les contacts des personnes contaminées et de les isoler rapidement.

Des discussions, sur cette éventualité, ont lieu actuellement, admet le MSSS.

Des tests rapides d’ici fin mai

Le gouvernement du Québec a fait l’acquisition de 100 appareils et 200 000 ensembles de tests provenant de l’entreprise ontarienne Spartan, qui ont été approuvés par Santé Canada. L’appareil permet l’analyse d’échantillons sur place sans aucun déplacement en laboratoire et livre ses résultats en approximativement 30 minutes, indique l’entreprise. Cette dernière, contactée par Radio-Canada, n’a pas voulu s’avancer sur la date de livraison, en indiquant simplement que ce matériel serait opérationnel dans les prochaines semaines. À Québec, on s’attend à une disponibilité vers la fin mai.

Des experts inquiets de la disponibilité des kits

Bien que grandement saluée, cette volonté de tester davantage la population inquiète des experts. Le problème, spécifie une source du réseau de la santé, c’est qu’on n’a pas vu ces équipements. On ne sait pas réellement ce qu’on a.

Le gouvernement refuse d’ailleurs de rendre publiques les quantités exactes de matériel disponible et les commandes qui sont en cours.

Dépister massivement, il faut le faire, mais présentement, on n’a pas ce qu’il faut. Les “ça va aller”, ça ne me convainc pas, déplore la microbiologiste-infectiologue Cécile Tremblay, qui ne mâche pas ses mots.

Si on lève le confinement et qu’on n’est pas capable de tester massivement, il va y avoir de nouvelles infections et le feu va reprendre.

Depuis le début, on est en manque. Parfois d’écouvillons, parfois de réactifs. Il nous faut des preuves, clame-t-elle.

Il y a eu plusieurs problèmes, certains sont résolus, reconnaît Richard Lessard, à la tête de la santé publique de la région de Lanaudière. Des milliers d’écouvillons sont par exemple arrivés de Chine contaminés.

Pour l’instant, on y arrive, on a ce qu’il faut. On est limite. Il faut gérer avec pertinence et optimiser les choix que nous faisons.

Les écouvillons sont de petites tiges munies de brosses à l’extrémité permettant d’aller chercher des sécrétions et des cellules dans le nez.

Photo : Radio-Canada / Montage

Un défi, reconnaît Québec

Québec aurait cependant été rassurant, en interne, ces derniers jours. ll semble que les approvisionnements se sont stabilisés. On m’a confirmé qu’on était prêt à recevoir plus de personnes pour des tests parce qu’on a suffisamment de kits et d’écouvillons corrects, reprend Jean-Pierre Trépanier.

On nous dit que les démarches d’approvisionnement sont en cours, rapporte Richard Lessard.

La disponibilité d’écouvillons reste un défi important, concède le MSSS, qui précise s’approvisionner principalement auprès du gouvernement fédéral, de la Chine et de [l’entreprise] Roche.

Ces produits sont très en demande partout dans le monde et le Québec reste très actif auprès de ces fournisseurs. Des méthodes de prélèvement alternatives ont été proposées pour pallier ces difficultés d’approvisionnement, mentionne-t-on.

Des tests sérologiques prochainement

Un autre type de test est également prévu prochainement : les tests sérologiques, qui permettront d’évaluer l’immunité collective de la population. À ce jour, selon Horacio Arruda, le taux d’immunité au Québec serait %”,”text”:”peut-être entre 5 et 10%”}}” lang=”fr”>peut-être entre 5 et 10 %, selon des propos tenus le 23 avril. On serait encore loin des 60 % à 70 % évoqués régulièrement par la communauté scientifique. Pour ce faire, on prendrait un échantillon de la population et on teste pour savoir qui a déjà été infecté, détaille Richard Lessard, en précisant que les plans sont en train d’être définis avec l’INSPQ. On l’attend ce plan. C’est l’une des conditions assez importantes pour suivre le déconfinement, souligne-t-il.

Reste à savoir, par la suite, qui pourra bénéficier de ces tests. À ce jour, la priorité est donnée aux travailleurs de la santé et aux patients hospitalisés, particulièrement dans les établissements pour aînés.

Ça s’est fait un peu au détriment de ce qu’il se passe dans la communauté, juge le directeur de santé publique de Laval. Désormais, ajoute Jean-Pierre Trépanier, dans une perspective où il va y avoir une reprise des activités économiques et le retour des enfants en classe, il va falloir qu’on dirige à nouveau notre attention vers ce qu’il se passe dans la communauté pour être en mesure de mieux décrire la situation.

Avec la collaboration de Mélanie Meloche-Holubowski


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