Ce n’est pas la forme qui compte, c’est la possibilité de débattre

Écrit par sur 27 avril 2020

Les débats aux Communes vont retrouver un rythme un peu plus régulier dès mardi. Le format sera réduit, la formule profondément révisée, et le forum sera en partie virtuel.

Les conservateurs souhaitaient quatre séances en personne par semaine. Les autres partis privilégiaient des rencontres électroniques. Au bout du compte, le compromis adopté prévoit deux séances virtuelles, le mardi et le jeudi, et une séance en personne le mercredi, mais avec seulement une trentaine de députés et un nombre réduit de collaborateurs.

Peu importe, en ces temps de crise, après cinq semaines d’absence et face à un gouvernement qui distribue l’aide à coup de milliards de dollars sans avoir à rendre de comptes, ce n’est pas la taille du groupe qui compte, c’est la simple possibilité d’avoir un débat.

Car, en personne ou en ligne, les 338 députés ne seront pas tous en mesure de se joindre à la conversation. En Chambre, c’est la distanciation sociale qui impose ses limites, tandis qu’en ligne, c’est la technologie qui n’est simplement pas encore à la hauteur. Comme me le disait l’ex-greffier et coauteur du guide de procédure et des usages à la Chambre des communes, Robert Marleau, on est en période de crise, il faut être assez tolérant sur les limites de la technologie.

L’important, c’est qu’il y ait débat. L’exécutif ne peut pas à lui seul tout diriger sans rendre des comptes. Les élus ont le droit de poser des questions. Et après ces semaines d’absence, il est grand temps de reprendre l’exercice.

Des débats ordonnés et des réponses

La première conséquence d’un débat en formule réduite, ce pourrait bien être une amélioration de sa clarté. Avec moins de monde en Chambre, le théâtre, les invectives et le chahut qui accompagnent généralement les échanges aux Communes diminuent considérablement. Lundi dernier, on pouvait pratiquement reconnaître la voix de ceux qui ont lancé les quelques attaques verbales vers l’autre côté de la Chambre. En général, le ton était posé et respectueux.

Et cela risque d’être la même chose pour la version électronique, si l’on se fie à la première séance virtuelle du Parlement britannique qui a eu lieu cette semaine. Comme le disait le greffier de la Chambre des communes Charles Robert cette semaine : Quand vous ne parlez pas, vous êtes en sourdine.

Mais surtout, il y a la période de questions qui risque de devenir une période de réponses. Lundi dernier, lorsque les parlementaires se sont réunis en groupe réduit pour la seconde fois depuis le début de la crise, la période de questions a donné lieu à quelques échanges candides.

Justin Trudeau a ainsi révélé que 400 respirateurs avaient été livrés aux provinces, et que 30 000 autres avaient été commandés. On a aussi appris que des avions-cargos qui devaient ramener du matériel de Chine étaient revenus ici vides, et que des migrants illégaux avaient pu entrer au Canada, alors que la frontière doit être fermée.

Ce ne sera peut-être pas comme ça tous les jours, mais un forum plus calme qui favorise des échanges mesurés pourrait bien mieux servir ceux qui décideront de consacrer une portion de leur confinement à regarder la chaîne parlementaire.

Les perdants

Mais le nouveau format crée aussi des inconvénients. Pas question de tenir un vote virtuel, par exemple, un exercice qui requiert un haut niveau de sécurité. D’autant plus que la Chambre compte utiliser la plateforme Zoom pour mener les travaux virtuels, un système dont les failles ont fait la manchette il y a quelques semaines.

Et puis, une séance aux Communes, c’est aussi l’occasion pour les députés d’arrière-ban de tous les partis de faire avancer leurs dossiers locaux. Il n’est pas rare de voir une députée de l’opposition solliciter l’aide d’un ministre ou d’un secrétaire parlementaire pour régler un problème signalé par l’un de ses commettants.

Ceux qui sont perdants, je dirais que ce sont les commettants […] qui ont des besoins, qui ont des revendications à faire en passant par le représentant élu à la Chambre, selon Robert Marleau. Les députés d’arrière-ban vont perdre un accès qu’ils ont dans le contexte traditionnel normal.

L’intention, c’est de reprendre un jour les débats aux Communes, dans leur forme tout ce qu’il y a de plus traditionnel. En attendant, le parlementarisme britannique se fait imposer une petite cure de modernisme et de civilité. Dans les deux cas, c’est tout sauf un changement permanent.


En ce moment

Titre

Artiste

Background