Québec veut abolir le délai de prescription pour les agressions sexuelles

Écrit par sur 4 juin 2020

Les victimes d’agressions sexuelles pourront bientôt réclamer que justice leur soit rendue, même si les actes reprochés remontent à plus de 30 ans.

La ministre de la Justice, Sonia LeBel, a déposé jeudi le projet de loi 55 intitulé Loi modifiant le Code civil pour notamment rendre imprescriptibles les actions civiles en matière d’agression à caractère sexuel, de violence subie pendant l’enfance et de violence conjugale.

Cette pièce législative fort attendue aura pour effet d’abolir le délai de prescription imposé pour intenter une poursuite civile contre un présumé agresseur. Le Code civil devra donc être modifié.

Le délai de prescription était de trois ans jusqu’en 2013, où le gouvernement péquiste l’a fait passer à 30 ans.

Je crois profondément à ce que nous présentons aujourd’hui, parce que je pense que cela va contribuer à système de justice plus juste pour les personnes victimes qui sont, il faut le rappeler, très vulnérables de par la souffrance qu’elles connaissent, a-t-elle dit en point de presse.

La ministre Sonia LeBel a prévu des mesures transitoires dans son projet de loi. Ainsi, une action « imprescriptible qui a été rejetée dans le passé au seul motif que la prescription était acquise » pourra être introduite à nouveau devant un tribunal pendant une période de trois ans.

De plus, le projet de loi prévoit qu’une « action en réparation du préjudice corporel résultant d’un acte pouvant constituer une infraction criminelle contre l’héritier, le légataire particulier ou le successible de l’auteur de l’acte, ou le liquidateur de la succession » devra être intentée au cours des trois années suivant le décès de l’auteur de l’acte en question.

Il faut aussi considérer les successions et les héritiers qui risquent d’être poursuivis et qu’il faut y imposer une limite de temps. Il serait également inéquitable que des gens qui n’ont rien à voir avec les événements puissent être poursuivis pour le reste de leur vie, théoriquement, que leur patrimoine soit toujours à risque, a précisé la ministre.

Sonia LeBel apporte cependant une distinction importante : Notez toutefois que cette limite ne s’applique pas aux communautés religieuses ou aux autres, de même qu’aux entreprises ou organismes qui pourraient être tenus responsables de l’exaction de leurs membres ou employés décédés depuis les faits.

Finalement, le projet de loi établit certaines règles relativement à l’excuse, notamment qu’elle ne peut constituer un aveu.

Recevoir des excuses, on le sait, peut souvent contribuer au processus de guérison des victimes. Les excuses peuvent également favoriser dans bien des cas des règlements à l’amiable. Cette règle sera applicable dans toutes les matières civiles, uniquement, a dit la ministre.

Mme LeBel souligne que le régime de preuve en matière criminelle et pénale est différent de celui du civil. Il est possible qu’une organisation optent pour des excuses dans le cas d’actions civiles qui n’ont pas de pendants criminels, afin de mettre fin à un processus judiciaire.

Sonia LeBel ne s’attend pas à une déferlante de poursuites après l’adoption de son projet de loi. Je pense que cela ne créera pas plus de poursuites, mais ça va fournir tout l’espace nécessaire pour ces personnes à avoir une réflexion plus sereine et un processus de guérison plus adapté, estime-t-elle.

Je pense que cela vient rétablir un juste équilibre et permettre à ces personnes de faire un cheminement qui n’est pas relié à un compte à rebours.

Questionnée sur une possible adoption du projet de loi avant 12 juin, la ministre de la Justice a répondu que cela dépendra des partis d’opposition avec qui des discussions ont déjà été entamées à ce sujet.

Moi, je suis disposé, disponible à le faire le plus rapidement possible. C’est souhaitable. Réaliste, on verra, a-t-elle déclaré.

Une promesse électorale

L’abolition du délai de prescription était réclamée depuis des années par des victimes âgées, nommément celles qui avaient dû subir les agressions répétées de prêtres pédophiles durant leur enfance.

L’abolition du délai de prescription faisait partie des engagements électoraux de la CAQ en 2018.

La ministre LeBel s’était engagée à déposer un projet de loi avant l’ajournement des travaux de la présente session parlementaire, le 12 juin.

Pour des sévices subis durant l’enfance, quantité d’études et des reportages ont démontré qu’il peut être difficile pour la victime de se remémorer les événements traumatisants vécus il y a longtemps. Des décennies peuvent aussi être nécessaires avant de trouver la force d’affronter en justice l’agresseur.

Les partis d’opposition ont aussitôt salué l’initiative du gouvernement, et ils ont dit souhaiter l’adoption rapide du projet de loi.

Avec l’Île-du-Prince-Édouard, le Québec est la seule province canadienne à conserver un délai de prescription pour ce type de crime.


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