L’OMS, le G7 et Justin Trudeau

Écrit par sur 16 avril 2020

La rencontre téléphonique entre les leaders du G7 qui doit avoir lieu ce matin pourrait bien être houleuse. Elle survient quelques heures après la suspension de la contribution financière américaine à l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Encore une fois, Justin Trudeau devra jouer à l’équilibriste.

Les divergences entre les Américains et les Européens étaient déjà importantes lors de la rencontre des ministres des Affaires étrangères du G7 à la fin de mars.

Le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, avait insisté pour que soit employée l’expression virus de Wuhan, pour mettre en cause la Chine. Pour cette raison, le Groupe n’avait pu accoucher d’une déclaration commune.

C’était déjà mal parti et c’était avant que le président Donald Trump suspende cette semaine la contribution de Washington à l’OMS.

Donald Trump frappe l’OMS en pleine crise sanitaire mondiale. La part du financement des États-Unis l’an dernier se chiffrait à plus de 400 millions de dollars américains, soit environ 15 % du budget total de l’organisation. Le président américain soutient que l’OMS a mal géré la crise et qu’elle est trop proche de la Chine.

Et Justin Trudeau? Le premier ministre a refusé de critiquer la décision de Donald Trump quand il a été questionné à plusieurs reprises mercredi lors de sa conférence de presse quotidienne. Une réponse certainement plus timide que celle des partenaires européens du G7.

Ma priorité, la priorité du gouvernement maintenant, c’est de faire tout ce qu’on peut pour protéger les Canadiens, pour assurer la santé et la sécurité des gens à travers le pays, et ça implique de travailler avec les experts ici, au Canada, et à travers le monde.

Le premier ministre aurait-il dû défendre plus vigoureusement cette institution multilatérale? Jocelyn Coulon, l’ancien conseiller de l’ex-ministre des Affaires étrangères Stéphane Dion croit que oui. On sent un flottement. Le Canada doit envoyer le signal qu’il est prêt à aider à combler avec d’autres pays une partie du manque à gagner afin que l’OMS puisse poursuivre sa mission.

Ce retrait américain comporte un réel danger selon lui : ce geste affectera le financement de l’aide aux pays en développement touchés par le virus ainsi que les campagnes de lutte contre d’autres maladies endémiques.

À quel point les Canadiens devraient-ils avoir confiance en l’OMS? Plus d’une fois, les ministres ont défendu l’importance d’avoir des efforts concertés pour combattre la crise. Nous ne pouvons pas vaincre ce virus ou d’autres virus ou maladies sans nos partenaires mondiaux et nous l’avons vu plusieurs fois avec une variété de maladies différentes, a soutenu cette semaine, la ministre fédérale de la Santé, Patty Hajdu.

Plus tôt durant la crise, elle avait même reproché à un journaliste d’alimenter la théorie du complot lorsque celui-ci avait demandé aux ministres de se prononcer sur la fiabilité des données fournies par la Chine à l’OMS.

Le siège social de l’OMS à Genève, en Suisse.

Photo : Reuters / Denis Balibouse

Le retrait du financement américain est en train de placer une fois de plus Justin Trudeau dans une situation délicate. Il n’a pas la même marge de manoeuvre que ses homologues européens face à Donald Trump.

Ce n’est pas une situation de diplomatie tranquille, mais en même temps Justin Trudeau ne peut pas brusquer Donald Trump, il devra l’influencer discrètement, croit l’ancienne diplomate Peggy Mason, de l’Institut Rideau. Bref, appliquer la même approche que le gouvernement a privilégiée dans le dossier de la renégociation de l’ALENA pourrait être avantageux.

Ce n’est pas la première fois que le président des États-Unis s’en prend à des organisations multilatérales et, souvent, le temps a fini par arranger les choses. Justin Trudeau pourrait utiliser différents canaux, essayer de faire reculer le président, c’est encore possible, même si ce ne sera pas facile, ajoute Mme Mason.

De toute évidence, la rencontre téléphonique du G7 ne sera peut-être pas suffisante pour éviter que Donald Trump mette ses plans à exécution.

Le numéro d’équilibriste de Justin Trudeau pourrait devoir se poursuivre. Avec Donald Trump, il n’a pas le choix de s’y faire.


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