La pandémie force Ottawa à vider ses ambassades

Écrit par sur 16 avril 2020

Radio-Canada a appris qu’une soixantaine de missions diplomatiques ne peuvent désormais qu’assurer le strict minimum en matière d’aide consulaire, puisque le personnel jugé non essentiel à la réponse à la COVID-19 a été ramené d’urgence au Canada depuis quelques semaines, du jamais-vu.

Environ 1000 personnes, diplomates et membres de leur famille, ont ainsi quitté ambassades, hauts-commissariats et autres missions diplomatiques un peu partout sur la planète. Selon nos sources, le personnel diplomatique travaillant dans des pays où le système de santé est jugé peu fiable a été rapatrié en priorité.

L’opération a commencé en janvier par le retour au Canada du personnel non essentiel en Chine, premier foyer d’infection par le coronavirus, avant de se poursuivre dans une soixantaine de pays.

Le ministère [des Affaires étrangères] a un devoir d’assurer la santé et la sécurité de ses employés, indique une source gouvernementale qui a requis l’anonymat pour s’exprimer librement.

Les chefs de mission, comme les ambassadeurs, restent toutefois en poste. Si Affaires mondiales Canada demeure en mesure d’assurer les services consulaires d’urgence, le rapatriement massif du personnel force la mise en veilleuse de nombreux programmes.

Dans ces pays, ce sont surtout les programmes d’aide au développement et les missions commerciales qui sont touchés, confie un employé d’Affaires mondiales Canada bien au fait du dossier.

On fait ce qu’on peut à distance, mais c’est sûr que notre capacité à livrer des programmes et faire des suivis est réduite, ajoute cette même source.

Les opérations régulières sur le terrain avaient toutefois déjà été lourdement perturbées avant que ces diplomates ne reviennent au Canada, alors que le ministère consacrait tous ses efforts au rapatriement des ressortissants canadiens.

Une « perte de contact » avec le monde

Si le Canada n’avait d’autres choix que de rapatrier un maximum de ses représentants, Gilles Rivard, l’ancien ambassadeur du Canada en Haïti, croit que cette vaste opération nuira en premier lieu à la collecte de renseignements dans les pays où les missions auront réduit leurs ressources au maximum.

On ne produira plus de rapports politiques sur ce qui se passe dans ces pays, c’est une perte de contact que le Canada va vivre, dit-il en entrevue.

Gilles Rivard ajoute qu’il ne faut pas négliger les conséquences de la réduction du personnel canadien à l’étranger.

Ça va avoir un impact extrêmement important. Pas juste sur les programmes culturels, mais également sur les programmes d’aide au développement. Il n’y aura plus personne pour suivre les projets sur place qui sont gérés par le Canada, il n’y aura pas de suivi pendant un certain temps, souligne le diplomate de carrière.

M. Rivard rappelle cependant que le Canada peut se fier davantage à ses partenaires internationaux, comme la Croix-Rouge, pour gérer les programmes financés par le gouvernement canadien.

Dans ces moments difficiles, l’ancien chef de mission pense aussi beaucoup aux diplomates, autant les rapatriés que ceux restés à l’étranger, et à leur famille.

L’impact sur les proches est immense, dit-il. Dans des cas comme ça, des familles doivent partir en premier et certains diplomates restent derrière, c’est très difficile humainement. Ceux qui doivent partir se sentent coupables de laisser la mission derrière, ce sont des gens qui ont à cœur ce qu’ils font.


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