Pêche à la crevette : Autochtones et non-Autochtones s’unissent pour réclamer l’aide d’Ottawa

Écrit par sur 27 mai 2020

Devant une situation jugée désastreuse, des associations de pêcheurs autochtones et non autochtones réclament une intervention immédiate du gouvernement fédéral alors que la survie de la saison de la pêche et de nombreux villages en dépend, disent-ils.

Les nations micmaques de la Gaspésie (Listiguj, Gesgapegiag et Gespeg), la Première Nation malécite de Viger, les Pêcheries Uapan qui appartiennent aux Innus, le Syndicat FFAW-Unifor (syndicats des travailleurs unis de l’alimentation et des pêches de Terre-Neuve-et-Labrador), la Fédération régionale acadienne des pêcheurs professionnels et l’Association des capitaines propriétaires de la Gaspésie s’unissent au sein de la Coalition de la crevette du Golfe pour réclamer d’une même voix l’aide d’Ottawa.

On laisserait de l’argent sur le quai. On ne peut pas opérer comme ça, déplore Pierre Jenniss, représentant les Malécites de Viger en entrevue avec Espaces autochtones.

Nous sommes dans une situation sans précédent et les perspectives désastreuses pour les pêcheurs, les travailleurs d’usine et nos communautés requièrent qu’on travaille ensemble. Notre survie en dépend, indique Jean Lanteigne, de la Fédération régionale acadienne des pêcheurs professionnels (FRAPP) dans un communiqué diffusé mercredi par la coalition.

Alors que l’inventaire s’accumule chez les transformateurs avec la fermeture des marchés internationaux, qui représentent habituellement la part du lion du marché, et que les prix offerts sont en chute, les pêcheurs de l’Est-du-Québec préviennent Ottawa que la pêche à la crevette, permise depuis le 1er avril, n’est actuellement pas viable.

On a des messages de plus en plus sombres de la part des transformateurs à l’effet que les marchés sont inexistants […] certains transformateurs ont même laissé entendre qu’ils ne voulaient pas en avoir cette année. Ça a été une douche froide pour tout le monde là, explique Jean Lanteigne.

Ce qui est triste dans tout ça, c’est que […] le gouvernement fédéral, qui gère les opérations, n’a jamais envisagé qu’il n’y aurait pas de pêche. Mais présentement la situation de crise à laquelle on fait face, ce qui nous pend au bout du nez, c’est probablement qu’il n’y en aura pas de pêche à la crevette, regrette Yan Tremblay, directeur général des Pêcheries Uapan, de la communauté innue Uashat mak Mani-utenam.

Yan Tremblay, directeur général, pêcherie Uapan

Photo : Radio-Canada / Marc-Antoine Mageau

Ce qui nous a été dit, notamment de la part du MAPAQ, qu’on a trouvé aberrant, c’est écoutez… sortez pêcher pis après ça si vous avez de la misère, vous viendrez nous voir, on va vous aider. J’ai dit écoutez bien, essayez d’aller acheter une voiture avec des on verra voir, je ne pense pas qu’ils vont nous laisser partir avec les clefs…, soutient Pierre Jenniss.

Présentement, ils nous laissent l’odieux de la décision

Un impact sur de nombreux villages canadiens

La Coalition fait également valoir que de nombreux villages canadiens dépendant de la pêche à crevette, tant au Québec que dans les Maritimes.

C’est pas seulement des pêcheurs, c’est majeur […] Souvent les membres d’une même famille peuvent travailler dans les usines. Moi j’ai des travailleurs qui s’inquiètent avec ce qui va arriver pour la saison, avec la qualification à l’assurance emploi, s’il n’y a pas de saison de pêche, ou si elle est écourtée, les travailleurs vont faire quoi pour passer l’hiver?, demande Johanne Basque, directrice des pêches commerciales à la Nation de Gespeg.

Solidarité entre Autochtones et non-Autochtones derrière la coalition

Si des tensions entre les différentes associations de pêche ont émergé ces dernières années, les intervenants sont sans équivoque : cette fois, la crise nécessitait un regroupement sans précédent.

Ça fait 18 ans que je travaille dans les pêches commerciales, et je peux vous dire que c’est la première fois que je vois trois provinces travailler ensemble et être solidaires comme ça pour faire quelque chose pour l’économie de nos villages, dit Johanne Basque.

C’est unanime : tous les représentants de toutes les associations, on est tous solidaires, indique Yan Tremblay.

La semaine dernière, il y avait seulement un porte-parole à Pêches et Océans [pour une réunion] et ça les a déstabilisés. Ils ne sont pas habitués de voir une telle solidarité entre tous les intervenants et voir que les Autochtones travaillent main dans la main avec les Allochtones. Tout le monde était là, il n’y avait pas d’absents, parce que l’ampleur de cette crise, elle touche vraiment tout le monde, raconte Pierre Jenniss.

La Coalition de la crevette du Golfe réclame une rencontre d’urgence avec la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, Bernadette Jordan, afin de négocier ses demandes.

Demandes de la Coalition de la crevette du Golfe à Ottawa

  • Éliminer le coût des permis de pêche pour la saison 2020;
  • Modifier tous les programmes de soutien qui ont été annoncés pour les rendre accessibles aux Premières Nations;
  • Étendre l’applicabilité du programme de subventions salariales de 75 % pour couvrir l’ensemble de la saison de pêche à la crevette;
  • Modifier les critères d’accessibilité du programme d’assurance d’emploi afin de s’assurer que les travailleurs du secteur de la capture ne sont pas laissés sans revenu en raison du retard de début de saison ou en raison d’une saison de pêche plus courte;
  • Indemniser les collectivités des Premières Nations pour les pertes de revenus dans les activités de pêche causées par la crise de COVID-19;
  • Augmenter le montant maximal du programme de soutien pour les entreprises de 40 000 $ à 120 000 $, et augmenter la portion non remboursable du prêt.

En ce moment

Titre

Artiste

Background