Le projet de relance des infrastructures de la CAQ inquiète les écologistes

Écrit par sur 4 juin 2020

« On a l’impression que le gouvernement utilise la crise actuelle comme une excuse pour assouplir les règles », lance la directrice générale de Nature Québec, Alice-Anne Simard.

« La relance doit aller de l’avant, mais ça ne devrait pas justifier de tourner les coins ronds », met en garde Marc-André Viau, d’Équiterre. « On craint que la relance se fasse sur le dos de l’environnement », ajoute Patrick Bonin, de Greenpeace.

Après des mois dans l’ombre du coronavirus, l’environnement est de retour sur le devant de la scène politique provinciale.

Mercredi, le président du Conseil du Trésor Christian Dubé a présenté le projet de loi 61 avec pour objectif d’accélérer 202 projets d’infrastructures pour relancer l’économie, parmi lesquels des prolongements d’autoroutes et des reconstructions de ponts.

Il a intégré plusieurs articles au projet de loi afin de faciliter l’évaluation environnementale d’une cinquantaine de ces projets, mais aussi d’autres non cités qui pourraient en bénéficier (article 3).

Christian Dubé, président du Conseil du trésor

Photo : Radio-Canada

« Allègement », « assouplissement », « aménagement »… Christian Dubé a multiplié les qualificatifs pour expliquer qu’il veut que l’évaluation environnementale soit « plus agile », avec moins de « bureaucratie ».

On comprend mal cet empressement, réagit Alice-Anne Simard, de Nature Québec. Ce sont des lois dont le Québec s’est doté pour s’assurer qu’on protège bien l’environnement.

Le projet de loi introduit un système de compensation financière pour les impacts sur la faune et la flore, comme cela se fait déjà pour les destructions de milieux humides.

Le texte permet de payer une somme d’argent au gouvernement pour compenser l’autorisation de modifier l’habitat d’une espèce floristique ou faunique menacée ou vulnérable (articles 20 et 23), à l’exception des poissons (article 21).

Les sommes versées par les promoteurs serviraient à financer la protection et la restauration d’habitats.

Photo : iStock / bgsmith

La destruction de la nature ne s’achète pas, soutiennent les écologistes

Le directeur général de la Société pour la nature et les parcs, au Québec, Alain Branchaud, craint que le système de compensation transforme un régime d’interdiction en un régime d’autorisation.

Le gouvernement du Québec emprunte la voie dangereuse de la monétisation de la destruction de l’habitat des espèces menacées.

Les compensations financières, ça ne peut pas compenser l’impact de certaines perturbations, dit le porte-parole d’Équiterre, Marc-André Viau.

Le projet de loi ne précise pas de formule pour calculer les coûts de la destruction ou l’atteinte à un habitat faunique ou floristique, comme c’est le cas avec le règlement sur les milieux humides. Par ailleurs, le principe de tout faire pour éviter et réduire avant de compenser n’est pas non plus présent.

Il faut prendre le temps de bien faire les choses, ça ne donne rien de bousculer, de bulldozer des projets.

Le Centre québécois du droit en environnement (CQDE) s’alarme des risques de destruction des milieux naturels et des impacts possibles sur les espèces à situation précaire.

Bien qu’il soit primordial de mettre en place une relance après-COVID, celle-ci ne doit pas se faire à n’importe quelle condition ni à n’importe quel prix, dit la directrice générale du CQDE, Geneviève Paul.

Par ailleurs, les articles 25 et 26 du projet de loi ouvrent la porte à la modification des limites d’un parc pour la réalisation des projets d’infrastructure.

Un projet qui avait besoin d’un BAPE va avoir encore un BAPE.

« Le ministre de l’Environnement a été très impliqué dans cette décision », a affirmé Christian Dubé, mais le ministre Benoit Charette n’était pas disponible pour parler du projet de loi, mercredi.

En entrevue à Radio-Canada, au mois d’avril, le ministre de l’Environnement avait promis que la relance économique n’allait pas sacrifier l’environnement.

Quoiqu’il en soit, les autorisations de toucher aux habitats d’espèces menacées pourraient se heurter au veto du gouvernement canadien.

Il y a quelques jours, la Cour d’appel fédérale a confirmé qu’Ottawa avait été dans son droit d’intervenir avec un décret d’urgence, en 2016, pour faire stopper un développement immobilier, autorisé préalablement par Québec, qui menaçait l’habitat de la rainette faux-grillon.

Christian Dubé est bien placé pour le savoir, puisque cette affaire qui a fait grand bruit s’est déroulée à La Prairie, en Montérégie, la circonscription qu’il représente à l’Assemblée nationale.


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