Jolin-Barrette veut faire adopter sa réforme parlementaire avant la fin de l’année

Écrit par sur 20 février 2020

Le leader du gouvernement caquiste, Simon Jolin-Barrette, veut faire adopter d’ici la fin de l’année son ambitieux projet de réforme parlementaire en quatre volets, déposé jeudi. Mais les partis d’opposition craignent que le gouvernement ne profite de l’occasion pour diminuer leur temps de parole et bafouer leurs droits et privilèges.

Ratissant très large, la nouvelle mouture des règles parlementaires, qui va d’une meilleure conciliation travail-famille à la création d’un poste de directeur parlementaire du budget en passant par l’imposition d’une plus grande discipline au Salon bleu, risque de bouleverser bon nombre de façons de faire.

Malgré l’ampleur des changements proposés, le gouvernement souhaite concrétiser ce projet rapidement, qui doit répondre à l’intention maintes fois exprimée par le premier ministre François Legault de rendre le Parlement plus efficace.

En conférence de presse, le ministre responsable de la Réforme parlementaire, Simon Jolin-Barrette, a indiqué que l’unanimité des parlementaires serait requise pour l’adoption d’une réforme de cette ampleur. Je souhaite que d’ici la fin de l’année 2020 on puisse s’entendre, a-t-il souligné.

Le gouvernement dit en fait espérer une meilleure collaboration entre les élus et assurer une séparation plus nette entre les pouvoirs exécutif et législatif en commissions parlementaires.

L’opposition sceptique

Mais le projet du ministre Jolin-Barrette n’a pas d’emblée conquis les partis d’opposition, qui réclament d’avoir voix au chapitre. L’adoption sous bâillon de quatre importants projets de loi en huit mois, dont celui sur la réforme des commissions scolaires, n’a rien pour rassurer les trois formations.

Le terme efficacité ne devra en aucun temps rimer avec court-circuiter le travail de l’opposition, a averti le leader parlementaire de l’opposition officielle, le libéral Marc Tanguay. L’opposition doit pouvoir exercer le mandat démocratique de surveillance des actions gouvernementales, a-t-il insisté.

Craignant que le gouvernement cherche à tirer profit de la réforme, Québec solidaire(QS) prévient que le point de vue des partis d’opposition devra être respecté.

Le Parlement, ce n’est pas l’instrument du gouvernement et ça doit être bien clair du début à la fin de ce processus de réforme parlementaire, a fait valoir le leader parlementaire de la formation, Gabriel Nadeau-Dubois.

Son homologue au Parti québécois (PQ), Martin Ouellet, a déploré que le premier ministre Legault ait affirmé en matinée que l’opposition avait été consultée. C’est faux, on nous a tout simplement avisés de l’intention du gouvernement, a-t-il soutenu.

Une réforme parlementaire ne doit pas servir les intérêts du gouvernement, une réforme parlementaire doit servir la nation québécoise.

Le premier ministre Legault argue que cette réforme est souhaitée par les citoyens. Ceux qui suivent les travaux à la période de questions [et] en commission parlementaire voient qu’il y aurait d’importants gains d’efficacité à faire, a-t-il commenté en mêlée de presse.

Une réforme ambitieuse

Plusieurs éléments risquent de changer dans les façons de faire au Parlement avec cette réforme, mais la possibilité pour le gouvernement d’imposer des bâillons à ses projets de loi est là pour rester.

Photo : Assemblée nationale

François Legault associe souvent l’étude des projets de loi à une perte de temps, estimant que leur adoption nécessite un trop grand nombre d’heures de travaux.

En vertu de la proposition sur la table, le président de l’Assemblée nationale aurait plus de pouvoirs pour faire respecter le règlement et assurer la discipline au Salon bleu. Il pourrait ainsi appliquer de façon plus restrictive les droits de parole et mettre un terme aux débats jugés non pertinents.

Les partis d’opposition pourraient néanmoins, en principe, poser davantage de questions au gouvernement lors des travaux en Chambre.

En outre, les ministres n’auraient plus à superviser l’étude détaillée de leurs projets de loi; la tâche serait laissée aux législateurs.

Malgré l’agacement affiché par le premier ministre, le gouvernement a toutefois renoncé à l’idée de limiter le nombre d’heures d’étude des projets de loi. Le projet maintient par ailleurs intact son pouvoir d’utiliser, au moment où il le juge pertinent, la procédure d’exception : le bâillon.

La conciliation travail-famille au menu

Pour rendre la politique plus attrayante pour les jeunes, particulièrement les femmes, on songe notamment à ajourner les travaux parlementaires à 18 h, ouvrir une halte-garderie au parlement, accorder un congé parental d’un an aux élues enceintes et autoriser un congé spécial pour prendre soin d’un proche.

Présentement, une élue enceinte n’a droit à aucun congé parental payé, les députés n’étant pas admissibles au Régime québécois d’assurance parentale (RQAP). Ils reçoivent non pas un salaire, mais une indemnité.

Le projet explore aussi la possibilité de permettre aux élus d’exercer leur droit de vote à distance, par voie électronique lors des votes tenus en Chambre.

La disposition des sièges de la Chambre, qui doit être rénovée prochainement, pourrait par ailleurs prendre la forme d’un hémicycle, comme à l’Assemblée nationale française ou, plus près de nous, à l’Assemblée législative du Manitoba.

Autre changement prévu : le serment d’allégeance à la reine d’Angleterre deviendrait optionnel pour les nouveaux députés et ministres.

Création d’une entité citoyenne

Le texte prévoit aussi la création d’une nouvelle Chambre des affaires citoyennes, qui serait un lieu de débats parallèles à ceux du Salon bleu, où les élus pourraient discuter de propositions émanant des citoyens ou étudier des projets de loi privés.

Les pétitions des citoyens ne seraient plus déposées par les élus au Salon bleu, mais elles pourraient être étudiées dans le cadre des travaux de cette nouvelle entité.

Les sous-ministres et présidents d’organismes seraient de plus soumis régulièrement à une plus grande reddition de comptes. L’étude des crédits budgétaires alloués aux différents ministères serait en outre resserrée.

Cette volonté de favoriser une meilleure reddition de comptes mènerait à la création d’un poste de directeur parlementaire du budget, une idée qui flotte dans l’air depuis des années.

La fin de la distribution des documents en papier est aussi envisagée.

La dernière réforme parlementaire remonte à 2009; elle avait entre autres conduit à une modification du calendrier et de l’horaire des travaux parlementaires.


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