Enceinte et sans couverture médicale en raison de la COVID

Écrit par sur 30 avril 2020

Confinée dans son appartement situé sur le Plateau-Mont-Royal, à Montréal, Chloé* semble perdue. La jeune femme de 29 ans s’imaginait pourtant, en temps normal, être rayonnante et impatiente de mettre au monde son premier enfant.

Mais ces dernières semaines, sa vie a changé, comme celle de millions d’autres personnes touchées par les conséquences de ce virus qui frappe la planète entière. La COVID-19 a cependant eu un impact encore plus important qu’elle ne pouvait l’imaginer.

Le 1er juin, date prévue de son accouchement, cette Franco-Suisse d’origine, installée dans la métropole depuis quatre ans, se retrouvera sans couverture médicale. Sans possibilité d’avoir des congés de maternité. Et avec, certainement, 000$”,”text”:”une facture d’environ 10000$”}}” lang=”fr”>une facture d’environ 10 000 $ de l’hôpital, selon ses estimations.

On nous dit de profiter des dernières semaines de grossesse, de se détendre, de relaxer. Mais moi, je suis dévastée.

Comment cette directrice de marketing d’une firme œuvrant dans l’apiculture peut-elle se retrouver dans cette situation?

Un permis impossible à renouveler

Il faut revenir un peu en arrière pour comprendre le problème auquel fait face Chloé, mais aussi plusieurs autres travailleurs temporaires, selon d’autres témoignages signalés à Radio-Canada.

Arrivée au Canada avec le populaire permis vacances-travail (PVT) en 2016, Chloé a rapidement demandé sa résidence permanente. Dans un premier temps, le gouvernement du Québec, qui a le pouvoir de sélectionner les immigrants économiques sur son territoire, lui a octroyé son certificat de sélection du Québec (CSQ), qu’elle a transmis à Ottawa. Mais depuis plus de deux ans, elle patiente, les délais de traitement ayant explosé ces dernières années.

En attendant ce précieux sésame, elle dispose d’un permis de travail fermé avec son entreprise. Celui-ci expire mi-mai. Pour ne prendre aucun risque, elle avait décidé en mars, avec son patron, de renouveler ce document.

Tout bascule à la mi-mars, lorsque la pandémie s’accélère et que le gouvernement fédéral décide de fermer ses bureaux. Impossible, donc, de fournir les indispensables données biométriques. Ottawa indique à Chloé qu’elle peut cependant continuer de travailler et garder ainsi un statut implicite sur le territoire, le temps de la crise.

Or, au Québec, avoir ce statut implicite la prive des droits à la RAMQ. Les conséquences sont lourdes : pas de remboursement de frais d’hôpitaux ni d’accès au Régime québécois d’assurance parentale (RQAP).

Ça me met dans une situation précaire. J’ai cotisé et c’est pile à ce moment-là que j’en ai besoin, regrette la jeune femme.

Je ne peux même pas me dire que je vais accoucher en France, puisque je ne peux plus voyager. J’ai l’impression d’avoir une épée de Damoclès et on ne sait pas combien de temps ça va durer, ajoute-t-elle.

Ottawa a refusé de prolonger automatiquement les permis

Ce type de problème était redouté par de nombreux avocats en droit de l’immigration, qui prévoyaient que de telles situations se produiraient.

C’était prévisible, déplore Guillaume Cliche-Rivard, le président de l’Association québécoise des avocats en droit de l’immigration (AQAADI), qui avait demandé au gouvernement fédéral de prolonger de plusieurs mois, automatiquement, les statuts de ces résidents temporaires. D’autres pays, comme la France, ont pris ce type de décisions, précise-t-il.

Ces enjeux ont également été soulevés par le gouvernement Legault à Ottawa, qui n’a pas répondu favorablement, à ce jour, à cette demande. Au fur et à mesure, avec ce statut implicite, on va voir apparaître d’autres problèmes qu’on aurait pu éviter en prenant la décision simple de prolonger ces visas, redoute M. Cliche-Rivard.

Une situation illogique, selon la députée Ruba Ghazal

Ces dernières semaines, Chloé a contacté les bureaux de ses députés. Sur le plan fédéral, l’équipe de Steven Guilbeault a souligné à Radio-Canada qu’un suivi sera fait avec Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC).

Au Québec, Ruba Ghazal, députée de Mercier, hausse le ton. Ça n’a aucun sens et elle n’est pas la seule. On est au courant d’autres cas similaires, clame l’élue de Québec solidaire.

C’est complètement illogique. On doit offrir ces soins sans rien demander. Si le permis avait été prolongé [par le gouvernement fédéral], ils n’auraient rien eu à payer.

Selon la députée montréalaise, en attendant que le fédéral bouge, Québec doit déjà agir et prolonger les droits d’accès à l’assurance maladie.

À ses yeux, le gouvernement provincial devrait imiter celui de l’Ontario, qui a décidé temporairement d’offrir l’accès à l’ensemble des soins de santé aux citoyens qui n’ont pas de carte d’assurance maladie.

Québec, de son côté, n’est pas allé aussi loin. À la fin de mars, la ministre de la Santé, Danielle McCann, a annoncé que seuls les soins liés à la COVID-19 seront gratuits. Cette décision doit être revue, soutient Ruba Ghazal.

On demande au gouvernement, pour des gens qui vivent cette situation et un stress immense, de ne pas faire de chichi, lance-t-elle.

Québec va examiner au cas par cas

Informé par Radio-Canada de la situation de Chloé, le cabinet du ministre provincial de l’Immigration, Simon Jolin-Barrette, a assuré comprendre tout à fait [son] inquiétude, en affirmant discuter de ce problème avec Ottawa.

La situation de certains travailleurs étrangers temporaires a d’ailleurs été portée à l’attention du fédéral, comme le cas de cette dame. Les discussions se poursuivent.

De son côté, le cabinet de la ministre de la Santé a pris contact avec Chloé pour éventuellement prolonger, temporairement, ses droits d’accès à la RAMQ. Le gouvernement ne compte cependant pas étendre, à l’instar de l’Ontario, cette possibilité à toutes les personnes ayant un statut précaire.

Pour l’instant, nous n’en sommes pas là. On montre une grande sensibilité, mais on va regarder au cas par cas, selon les situations particulières, spécifie Alexandre Lahaie, porte-parole de la ministre Danielle McCann.

IRCC n’a pas répondu aux questions de Radio-Canada, mais quelques heures après l’envoi de ces demandes, le ministère fédéral a écrit à Chloé. [sic] que vous passez [sic] à travers une situation difficile”,”text”:”Nous sommes désolé [sic] que vous passez [sic] à travers une situation difficile”}}” lang=”fr”>Nous sommes désolé [sic] que vous passez [sic] à travers une situation difficile, est-il mentionné, en précisant que la demande est en traitement.

* Chloé est un prénom fictif, nous l’avons modifié à sa demande pour ne pas nuire à son dossier.


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