COVID-19 : les limites de l’équipement d’évacuation du Canada

Écrit par sur 15 avril 2020

La Défense nationale cherche à acquérir des systèmes de confinement pour permettre l’évacuation par avion de plusieurs patients atteints de la COVID-19. Alors que certains pays ont déjà pris les devants, la tâche du Canada s’annonce ardue.

En plein milieu de la crise, les Forces armées canadiennes donnent l’impression d’être en mode rattrapage.

Dans un appel d’offres publié la semaine dernière, la Défense nationale indique vouloir se doter d’une capacité permanente pour l’évacuation sanitaire aérienne de patients porteurs d’une maladie très infectieuse.

L’équipement en question est un système d’évacuation aéromédical à confinement biologique. Le nom est compliqué, mais le but est simple : permettre d’isoler des patients à bord d’un appareil, tout en protégeant le personnel navigant et l’équipe médicale. Ce genre d’unité permettrait de déplacer beaucoup plus efficacement un plus grand nombre de patients sur une plus longue distance, indique la Défense nationale.

Les crises de santé mondiales comme celles du SRAS, de l’Ebola et de la COVID-19, précise le document, ont rendu manifeste le besoin qu’a le gouvernement du Canada d’être capable d’assurer l’évacuation de ses citoyens porteurs d’une maladie très infectieuse.

Des systèmes d’évacuation à confinement biologique à l’intérieur d’un avion des forces aériennes américaines.

Photo : US Air Force / Cody Miller

Ottawa veut ainsi pouvoir transporter les patients à l’étranger et au pays, y compris dans les régions éloignées du Canada, où l’armée de l’air pourrait intervenir dans des communautés isolées.

Pour l’expert de l’Université de Calgary, Jean-Christophe Boucher, cet appel d’offres démontre les limites des capacités actuelles. Les Forces ne sont pas complètement équipées pour faire face à une crise sanitaire du genre ou une éclosion. On aurait pu prévoir le coup, estime-t-il.

Des années de retard

Pas plus tard que la semaine dernière, les Forces aériennes américaines procédaient à l’évacuation de patients atteints du coronavirus en ayant justement recours à ces cellules d’isolement.

Depuis 2015, l’armée américaine peut transporter en toute sécurité jusqu’à 200 personnes hautement contagieuses dans ses appareils.

Des militaires américains lors d’une évacuation aérienne. En arrière-plan, des unités à confinement biologique dans lesquelles se trouvent des patients atteints de la COVID-19 transportés par les forces américaines.

Photo : US Air Force

Mais les Forces armées canadiennes disposent de capacités qu’elles qualifient de provisoires.

Pourtant, le Canada et de nombreux pays avaient constaté dès 2014 les limites de leurs moyens lors de la crise de l’Ebola.

Les lacunes en matière d’évacuation avaient freiné le recrutement et l’envoi de personnel pour venir en aide aux populations touchées. Ottawa hésitait à envoyer des effectifs médicaux en Afrique de l’Ouest étant incapable de garantir une évacuation médicale aérienne adéquate de Canadiens qui auraient été contaminés par le virus.

Mais depuis l’épisode de l’Ebola, certains pays comme l’Allemagne, la Grande-Bretagne et l’Italie se sont dotés de ce type d’équipement pour transporter en toute sécurité plusieurs personnes hautement contagieuses. Ils l’ont maintes fois utilisé depuis le début de la pandémie de la COVID-19.

Pas avant sept mois?

Un patient hautement contagieux est transporté dans une cellule d’isolement à bord d’un avion militaire britannique.

Photo : Reuters

Dans une réponse écrite à Radio-Canada, la Défense nationale précise que le système doit être mis en place le plus rapidement possible. Mais le ministère admet qu’il pourrait s’écouler plusieurs mois avant que le Canada puisse recevoir cet équipement.

Les fournisseurs de l’industrie ont indiqué que la production d’un tel équipement spécialisé pourrait prendre jusqu’à 7 mois. Les Forces armées canadiennes travailleront avec l’industrie pour trouver des moyens de réduire le délai de livraison.

Si l’armée canadienne semble être à la remorque d’autres pays, cela ne l’empêcherait pas pour autant de procéder à l’évacuation de patients gravement malades souffrant de la COVID-19.

Pour l’instant, c’est encore gérable, croit le Dr François Lamontagne, chercheur et spécialiste en médecine de soins intensifs. Il y a déjà des transports de patients infectés par la COVID qui se font à travers le Canada sans cet équipement d’isolement. Il faut s’assurer par contre que le personnel médical ait un très bon équipement de protection.

C’est une fois le transfert terminé que survient la principale contrainte. Il faut décontaminer l’avion, ça peut paralyser la flotte. Avec des unités de confinement, on a moins besoin de tout décontaminer, on paralyse la flotte moins longtemps.

Jean-Christophe Boucher considère que la Défense nationale n’a pas le choix de procéder à l’acquisition de ces unités d’isolement, si ce n’est que pour atténuer les risques d’aggraver la pénurie de pilotes au sein de l’Aviation royale. La Défense ne peut pas se permettre d’avoir des pilotes en quarantaine ou qui tombent malades. Ça peut avoir un impact sur l’ensemble des opérations.

Des pilotes dans le cockpit d’un avion Hercules de l’Aviation royale canadienne.

Photo : La Presse canadienne / Lars Hagberg

En décembre dernier, avant la pandémie, l’armée de l’air considérait être en manque de 225 pilotes.

Les forces armées canadiennes répètent qu’elles sont prêtes à intervenir en fonction des besoins du pays dans cette crise. Mais cet appel d’offres démontre qu’à certains égards, elles seraient plus prêtes, parce que mieux équipées, dans quelques mois.


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