Vers une décriminalisation partielle de la conduite avec facultés affaiblies en Alberta

Écrit par sur 5 juin 2020

Si le projet de loi 21 est adopté, les conducteurs albertains qui se font attraper avec une alcoolémie de 0,08 ou plus pourront s’en tirer sans dossier criminel, à condition que ce soit leur première infraction. Le gouvernement espère ainsi désengorger les tribunaux.

Moins de sanctions criminelles, mais plus de contraventions : voilà le compromis que propose le gouvernement albertain pour gérer les conducteurs aux facultés affaiblies.

Ainsi, ceux qui se font prendre une première fois avec plus de 80 mg d’alcool/100 ml de sang, ou encore sous l’influence de la drogue, pourraient s’en tirer sans accusations criminelles, à condition qu’il s’agisse d’une première infraction et qu’elle n’ait pas causé de morts ou de blessés.

Ils perdront toutefois leur véhicule pour 30 jours plutôt que trois. D’autre part, l’amende à payer est fixée à 1000 $ et elle sera remise à la province plutôt qu’au fédéral, le permis sera toujours suspendu pendant 3 mois avec l’obligation d’avoir un dispositif antidémarrage contrôlé par un alcootest pendant 12 autres et les contrevenants devront désormais suivre un programme d’éducation.

Le gouvernement souhaite par contre sévir plus durement contre ceux qui se font prendre avec un taux d’alcool sanguin entre 0,5 et 0,8. Présentement, leur permis de conduire est suspendu et leur véhicule est saisi pendant trois jours. Si le projet de loi 21 est adopté, ils devront aussi payer une amende de 300 $.

L’Alberta s’inspire de la Colombie-Britannique

Ce nouveau système serait non seulement plus simple et plus rapide, mais également plus dissuasif, selon le ministre de la Justice Doug Schweitzer. Le Manitoba et la Colombie-Britannique ont des modèles semblables.

Le ministre dit s’être particulièrement inspiré de la Colombie-Britannique, qui a adopté ce système en 2010. Le taux de décès causés par la conduite aux facultés affaiblies y aurait diminué de 54 % entre 2011 et 2018, selon lui.

Cette politique sauve des vies, point barre.

Une enquête de CBC a cependant révélé d’importantes failles dans les données du Bureau du coroner de la Colombie-Britannique à ce sujet, en décembre dernier. Les dernières informations fournies à l’agence fédérale qui tient un registre national sur les accidents de la route dataient alors de 2012.

Les dernières données compilées par Statistique Canada datent de 2015. Elles dénotent une baisse importante de la conduite avec facultés affaiblies dans l’ensemble du pays depuis les années 1980.

L’organisation Mères contre l’alcool au volant Canada s’est prononcée en faveur du projet de loi. [Ce modèle] a eu un grand succès dans d’autres provinces et nous sommes très contents, dit le directeur, Andrew Murie.

Le fait d’être immédiatement privé de véhicule pendant 30 jours, selon lui, sera particulièrement efficace pour décourager les contrevenants.

Désengorger les tribunaux et libérer les policiers

Le gouvernement souhaite ainsi réduire le nombre de dossiers qui se rendent devant un juge, ce qui permettrait de désengorger le système et d’économiser « des dizaines de milliers d’heures de travail aux policiers », explique Doug Schweitzer.

Nous avons entendu de la part des Albertains à quel point ils sont frustrés de voir leurs dossiers être abandonnés à cause de l’arriéré à la Cour qu’on a hérité du gouvernement précédent. Ce projet de loi propose des changements administratifs intelligents, dit-il.

Les procès liés à l’alcool au volant prennent souvent une demi-journée ou une journée complète, d’après lui.

Le chef du Service de police d’Edmonton, Dale McFee, a qualifié le projet de loi de « beau pas en avant ».

Plus de pouvoir discrétionnaire pour les policiers?

Le projet de loi 21 créera aussi une nouvelle branche gouvernementale, SafeRoad AB, pour traiter les dossiers de conduite avec facultés affaiblies.

Si une personne veut contester sa sanction, elle pourra le faire par un site Internet. Un arbitre la contactera en moins de 21 jours.

Ce recours est loin d’être suffisant, croit le président de l’Association des avocats en défense criminelle de Calgary, Ian Savage.

Une accusation criminelle permet d’avoir un contrôle approprié sur le pouvoir discrétionnaire et les abus des policiers, avec un juge, un procureur et un avocat. Tout ça va être éliminé et la surveillance va être faite par une agence gouvernementale […] qui n’a pas les mêmes standards, dit-il.

Il est convaincu que cela va accentuer le profilage racial, qui se fait déjà en Alberta comme ailleurs en Amérique du Nord.

Les policiers vont harceler les gens racisés encore plus, s’ils savent qu’ils n’auront pas à répondre de leurs actions en cour.

Le site Internet du gouvernement mentionne que le « fardeau de la preuve » nécessaire pour appliquer une sanction administrative est plus léger que celui pour une condamnation au criminel.

Si le projet de loi 21 est adopté, les arbitres qui traiteront les contestations de contraventions seront des « experts en loi routière », selon le ministère de la Justice, mais pas des avocats ou des juges.

SafeRoad AB pourrait commencer à traiter les infractions liées aux facultés affaiblies dès la fin de l’année. Le gouvernement aimerait aussi qu’il puisse traiter toutes les infractions non criminelles liées au Code de la route à partir de 2021.

Avec des informations de Michelle Bellefontaine et Janet French


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