Un décret COVID-19 invoqué pour faciliter un projet de logements controversé

Écrit par sur 26 avril 2020

La Municipalité de Sainte-Brigitte-de-Laval, près de Québec, profite de l’urgence sanitaire et de la suspension temporaire de certains processus démocratiques pour prioriser un projet de construction d’édifices à logements, pourtant rejeté par ses citoyens l’automne dernier.

On n’essaie pas de vous en passer une petite vite, disait le maire Carl Thomassin à l’ouverture de la séance extraordinaire du conseil municipal, tenue par visioconférence le 23 avril (Nouvelle fenêtre).

C’est pourtant le sentiment qui habite plusieurs citoyens du Domaine Sainte-Brigitte-sur-le-golf, un important développement résidentiel au sud de la municipalité.

L’automne dernier, les résidents du quartier s’étaient positionnés contre un projet de construction de 8 immeubles de 8 logements chacun, pour 64 nouvelles portes.

Afin d’autoriser sa réalisation, le conseil municipal a tenté d’adopter un règlement de zonage modifiant une zone commerciale en une zone mixte permettant le multilogement.

Les logements seraient construits près d’un quartier résidentiel composé principalement de duplex et de résidences unifamiliales.

Photo : Radio-Canada

Suffisamment de signatures ont cependant été amassées auprès des citoyens vivant à proximité pour demander la tenue d’un référendum sur ce règlement, tel que le prévoit la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités.

Le règlement n’a pas été approuvé par les personnes [habilitées à voter] et […] le conseil municipal a choisi de ne pas tenir de scrutin référendaire, peut-on lire dans un procès-verbal daté du 10 décembre dernier. Le projet de règlement a donc été abrogé.

Urgence sanitaire

Or en raison de la pandémie et de l’urgence sanitaire décrétée au Québec, la procédure décisionnelle utilisée à l’automne est suspendue depuis le 22 mars, en vertu d’un arrêté ministériel signé par la ministre de la Santé, Danielle McCann.

Cet arrêté prévoit que si un projet est identifié comme prioritaire par une majorité aux deux tiers des élus, de15jours et tout acte pris à la suite d’une telle procédure de remplacement n’est pas soumis à l’approbation des personnes habiles à voter”,”text”:”elle est remplacée par une consultation écritede15jours et tout acte pris à la suite d’une telle procédure de remplacement n’est pas soumis à l’approbation des personnes habiles à voter”}}” lang=”fr”>elle est remplacée par une consultation écrite de 15 jours et tout acte pris à la suite d’une telle procédure de remplacement n’est pas soumis à l’approbation des personnes habiles à voter.

Impossible, donc, de demander la tenue d’un référendum.

Le 23 avril, le maire et la majorité des conseillers ont adopté le règlement auparavant rejeté, invoquant l’arrêté ministériel. Le maire y a aussi confirmé qu’il s’agit du même projet de logements que celui de l’automne.

La conseillère Laurie Thibeault-Julien représente le district où les citoyens s’opposent au projet.

Photo : Radio-Canada

Laurie Thibeault-Julien, conseillère du district où vivent les opposants au projet, s’est abstenue de voter à la séance du 23 avril, manifestant au passage son opposition à la résolution telle que présentée.

Elle s’explique mal le retour à la charge de ses collègues, considérant que le projet n’a pas évolué depuis son rejet initial.

Je trouve ça particulier de présenter la même chose quand les gens se sont déjà exprimés une première fois contre le projet.

La conseillère municipale dit recevoir de nombreuses questions et manifestations d’inquiétude de la part des citoyens.

Certains craignent une perte de valeur de leur maison, d’autres la hausse de la circulation dans le quartier en raison de l’aménagement prévu d’une centaine de places de stationnement.

On dirait qu’il [le maire] profite de la situation de la pandémie pour faire passer un projet dont il sait qu’on est en désaccord, lance Aladin Raja, qui réside en face du terrain convoité, situé sur la rue Kildare.

On s’est déjà prononcé sur ce projet-là, on l’a refusé d’entrée de jeu, se désole à son tour une autre habitante de la ville, Sylvie Lajoie, qui soutient que la vie de quartier est en jeu.

Déficit et pandémie

Le maire Carl Thomassin dit agir de la sorte pour le bien de la majorité. Je gère pour l’ensemble des citoyens de la ville, affirme-t-il.

Avec la pandémie, dit-il, les revenus de la Municipalité sont en chute et elle doit maintenant saisir les opportunités économiques pour sauver les finances. Je sais ce qui s’en vient et on va avoir un manque à gagner au niveau des revenus, argue M. Thomassin, qui est appuyé par la majorité des élus du conseil.

Carl Thomassin, maire de Sainte-Brigitte-de-Laval.

Photo : Radio-Canada

Il laisse entendre qu’une hausse des comptes de taxes des citoyens sera envisagée si jamais la Ville doit faire face à un déficit et qu’elle doit emprunter de l’argent. Un scénario qu’il souhaite éviter en accélérant certains projets qui permettront d’ajouter de nouveaux contribuables.

M. Thomassin se dit conscient qu’il utilise des moyens exceptionnels et urgents. Mais on n’a pas le luxe d’attendre, insiste-t-il. Oui, on va profiter de cette opportunité.

Pour utiliser cet arrêté ministériel, il faut que ce soit un dossier où il y a un enjeu économique important pour la ville. Ici, à Sainte-Brigitte-de-Laval, cet enjeu économique est important et il existe pour le projet [de logements].

Lorsqu’on lui fait remarquer que les nouvelles portes ne généreront probablement pas de revenus de taxes avant encore un bon moment, d’autant plus que la construction n’a repris ses activités que pour les projets résidentiels à livrer avant le 31 juillet prochain, M. Thomassin parle d’une vision à long terme.

Il assure que les commentaires écrits des citoyens pendant la période de consultation prévue de 15 jours seront tous pris en compte.

Avec la collaboration de Félix Morissette-Beaulieu


En ce moment

Titre

Artiste

Background