Québec demande aux fonctionnaires à l’environnement d’agir comme des « promoteurs »

Écrit par sur 5 juin 2020

La volonté d’assouplir et d’alléger l’évaluation des projets était présente au sein du ministère de l’Environnement bien avant le dépôt du projet de loi 61 sur la relance économique, qui suscite de vives réactions.

Le 25 février dernier, un compte rendu d’une rencontre entre le sous-ministre et 125 gestionnaires du ministère a été transmis à tous les fonctionnaires à l’interne.

On y présente une nouvelle ère, la mise en place d’une nouvelle culture d’accompagnement des clients pour faire évoluer le rôle du ministère de l’Environnement.

Il faut s’occuper de chaque demande comme si c’était la nôtre, comme si nous étions le promoteur. Il ne faut pas être vus comme ceux qui veulent empêcher la réalisation des projets.

Cette déclaration choque le président du Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ), Christian Daigle. C’est un non-sens complet, lance-t-il. On est abasourdis d’avoir de tels propos de la part d’un sous-ministre.

Le rôle du ministère, c’est de protéger le territoire québécois pour l’ensemble des citoyens. Nos membres travaillent pour défendre l’environnement, et non pour être promoteurs de projets des entreprises.

Le SFPQ craint que ses inspecteurs ne se trouvent « en porte-à-faux » entre la mission du ministère et les propos du sous-ministre.

Le sous-ministre Marc Croteau est un haut fonctionnaire d’expérience. Il a été nommé à l’Environnement au début de 2019, peu après l’accession au poste de ministre de Benoit Charette, en remplacement de MarieChantal Chassé.

L’usage des termes promoteur et client est d’autant plus aberrant dans la mesure ou M. Croteau est un employé de la fonction publique et qu’il a, à juste titre, la seule et unique fonction de servir le bien commun.

L’organisme Nature Québec est du même avis. C’est troublant, dit la directrice générale Alice-Anne Simard. Ça va à l’encontre du rôle du ministère. On ne comprend pas comment les fonctionnaires doivent se positionner.

C’est la population québécoise qui devrait être la clientèle du ministère de l’Environnement, pas les promoteurs.

Le ministre Charette partage la vision de son sous-ministre

Le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

En entrevue avec Radio-Canada, le ministre de l’Environnement confirme et partage ce « changement de culture ». C’est un des mandats qui a été confié au sous-ministre, explique Benoit Charette. Il faut améliorer le service à la clientèle auprès des promoteurs.

Le ministre ne pense pas que les propos du sous-ministre sont en contradiction avec le mandat du ministère. La mission du ministère en est aussi une de développement durable, dit-il.

On veut être un accompagnateur, on veut aider à trouver la bonne réponse, on veut aider à bonifier un projet pour qu’il ait moins d’impacts au niveau de l’environnement.

De son côté, la porte-parole du ministère de l’Environnement [et donc du sous-ministre], Raphaëlle Savard-Moisan, explique qu’en étant en mesure de bien comprendre l’objectif du promoteur, le ministère peut agir en prévention plutôt qu’en réaction.

Les fonctionnaires du ministère de l’Environnement du Québec font régulièrement l’objet de critiques de la part d’autres ministères. En février 2019, le ministre de l’Agriculture André Lamontagne les avait qualifiés d’« ayatollahs » et François Legault l’avait défendu.

Le projet de loi 61 en phase avec cette philosophie

Le controversé projet de loi, déposé mercredi, pour accélérer la relance économique concrétise la vision du ministre et de son sous-ministre en venant alléger et assouplir l’évaluation environnementale pour les promoteurs.

L’organisme Nature Québec pense que le ministère de l’Environnement utilise la crise sanitaire actuelle comme excuse pour assouplir les règles. Plusieurs groupes écologistes sont d’ailleurs montés au front.

Jeudi, la députée libérale Marie Montpetit a accusé le ministre d’être le « fossoyeur » de l’environnement et d’avoir abdiqué face à ses collègues avec un portefeuille économique.

Benoit Charette répond qu’il espère plutôt raccourcir les délais en mettant fin aux multiples allers-retours et au yo-yo de questions-réponses et transferts de documents entre les promoteurs et les ministères dans le cadre de ces demandes d’autorisation pour influer sur l’environnement.

Le ministre convient toutefois que, pour accélérer les évaluations environnementales des projets, il faudra aussi s’assurer d’avoir un nombre suffisant de fonctionnaires pour les analyser.


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