Préposés aux bénéficiaires : les ambitions de Québec soulèvent des questions

Écrit par sur 28 mai 2020

En se donnant l’objectif de recruter et de former pas moins de 10 000 préposé(e)s aux bénéficiaires d’ici la mi-septembre, le gouvernement du Québec a-t-il vu trop grand? Québec table sur de meilleures conditions de travail, mais les autres services d’hébergement pour aînés craignent un exode de leur personnel.

Pour remplacer les militaires envoyés en renfort dans 25 CHSLD du Québec, ainsi que les milliers de personnes ayant manifesté leur intérêt à prêter temporairement main-forte dans les centres de soins de longue durée, le gouvernement souhaite ainsi trouver rapidement 10 000 candidats pour travailler à temps plein dans le milieu.

Ceux-ci seraient formés de la mi-juin à la mi-septembre et gagneraient 21 $ de l’heure pendant cette période. Une fois la formation terminée, le salaire passerait à 26 $ de l’heure.

Craignant « une vague de départs », l’Association des ressources intermédiaires d’hébergement du Québec (ARIHQ), qui dessert notamment les personnes disposant toujours d’une certaine autonomie, demande instamment au gouvernement de délier les cordons de la bourse et d’augmenter le financement de son réseau, dont le budget provient des coffres de l’État.

Réagissant par voie de communiqué, l’ARIHQ évoque un « exode » de préposés qui 000personnes vulnérables hébergées dans des ressources intermédiaires au Québec”,”text”:”pourrait laisser à l’abandon les 16000personnes vulnérables hébergées dans des ressources intermédiaires au Québec”}}” lang=”fr”>pourrait laisser à l’abandon les 16 000 personnes vulnérables hébergées dans des ressources intermédiaires au Québec. L’Association demande donc au gouvernement de rehausser les salaires de ses propres employés, qui gagnent 14 $ de l’heure.

Un objectif réaliste?

Le gouvernement peut-il véritablement espérer recruter 10 000 personnes pour pourvoir les postes vacants dans les rangs des préposé(e)s aux bénéficiaires en moins d’un mois?

Tout juste avant le début de la pandémie, au mois de mars dernier, le réseau de la santé poursuivait un blitz de recrutement à l’étranger, justement dans la perspective de pourvoir ce type de poste. Il était alors question de plusieurs centaines de postes vacants, et non pas d’une dizaine de milliers.

En conférence de presse, jeudi matin, la ministre responsable des Aînés, Marguerite Blais, a expliqué que cette nouvelle démarche de recrutement à grande échelle devrait notamment permettre d’offrir « de la prévisibilité » aux employés, qui ont eux aussi droit à une vie normale.

Questionnée à savoir si les salaires plus élevés pour les préposé(e)s aux bénéficiaires dans le réseau public n’allait pas provoquer un exode des employés du privé, Mme Blais a soutenu que des discussions étaient en cours entre Québec, les différents regroupements et associations de CHSLD privés et résidences privées pour aînés, et la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation Andrée Laforest pour trouver une solution.

On ne peut pas déshabiller Paul pour habiller Ginette, a-t-elle ajouté.

Toujours selon Mme Blais, d’autres discussions sont aussi en cours, cette fois entre les différents syndicats et le ministre du Travail, Jean Boulet, pour établir, via un décret, les conditions salariales des préposé(e)s.

La ministre soutient également qu’il est faux de prétendre que trouver 10 000 candidats en peu de temps est illusoire : Premièrement, on va offrir des postes permanents; par la suite, on va travailler sur l’organisation du travail, il y aura un bon salaire pour les préposés aux bénéficiaires, il y a des gens qui ont perdu leur travail durant la pandémie [et qui pourraient décider de devenir préposés]. Je pense qu’il y a des gens qui se sont conscientisés à l’importance de prendre soin des plus vulnérables, dans la société.

On va s’assurer que la qualité des soins sera la même, a poursuivi Mme Blais.

Recruter, oui, mais surtout revoir le système

Pour le gériatre Réjean Hébert, la proposition de Québec en matière de recrutement est bonne, mais il faut qu’elle s’accompagne d’actions visant à arrêter le minutage des interventions chez les préposés; il faut également ajouter du personnel infirmier, pour être capable d’encadrer ces préposés….

De passage à l’émission 24/60, mercredi soir, sur les ondes de RDI, l’ancien ministre péquiste de la Santé a évoqué l’importance de « rétablir une équipe médicale dans les CHSLD ».

Vous savez, sous l’ère [de l’ex-ministre libéral de la santé Gaétan] Barette, on a ramené les médecins dans leurs cabinets, et plusieurs médecins pratiquant en CHSLD sont revenus en cabinet, et donc, il faut retrouver cette équipe médicale et ces compétences infirmières qui permettent d’avoir des plans de soins appropriés pour les patients, ainsi que pour s’assurer de la prévention des infections.

Le réseau des CHSLD est le laissé-pour-compte de la santé, a soutenu M. Hébert. « On a tout mis dans l’hôpital », a-t-il déclaré.

En ce sens, le point de vue du Dr Réjean Hébert rejoint celui de David Levine, ex-PDG de l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal.

En entrevue à l’émission Midi Info, sur les ondes d’ICI Première, M. Levine a affirmé que pendant son mandat à l’Agence, soit de 2002 à 2012, quelque « 10 milliards de dollars » ont été investis dans les hôpitaux, pendant que les CHSLD ne recevaient que le strict nécessaire « pour réparer des fuites dans les toits ».


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