Popularité, politique et pandémie

Écrit par sur 31 mars 2020

Tout comme plusieurs de ses homologues provinciaux, Justin Trudeau bénéficie d’un regain de popularité auprès des Canadiens pour la façon avec laquelle il gère la crise de la COVID-19. Une bonne fortune potentiellement éphémère et devant laquelle le gouvernement serait avisé de faire preuve de prudence, selon une experte.

La conversation n’avait aucun but particulier. À l’autre bout du fil, un conseiller du gouvernement ruminait les décisions des derniers jours et extrapolait sur ce que devraient être les prochaines annonces. Les gens sont contents de notre gestion de la crise, as-tu vu notre taux de popularité, me lance-t-il, visiblement content du résultat.

L’objet de satisfaction de ce conseiller du gouvernement fédéral, c’est le résultat d’une enquête de la firme Ekos. Selon ce sondage, 67 % des Canadiens sont d’accord avec la façon dont Justin Trudeau a répondu à la crise de la COVID-19.

D’ailleurs, les électeurs d’un bout à l’autre du pays semblent partager le même sentiment. John Horgan en Colombie-Britannique, Jason Kenney en Alberta et même l’Ontarien Doug Ford, qui généralement polarise, obtiennent des scores similaires pour leur gestion de la crise.

La popularité exceptionnelle de François Legault

Le premier ministre François Legault lors de son point de presse quotidien

Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot

Seules exceptions aux deux extrémités, Donald Trump qui obtient un taux d’approbation des Canadiens de 20 % et François Legault qui a droit aux félicitations de 95 % des électeurs québécois. Du jamais vu.

Lui ressort vraiment du lot, mais ça depuis le début de la crise, on le sait, explique Geneviève Tellier, professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. Même ailleurs au pays, on en parle puis on regarde ce qui se passe au Québec.

Mais au-delà des résultats hors normes du premier ministre québécois, la politologue met en garde ceux qui verraient dans ce genre de chiffres la promesse d’un mandat moins cahoteux.

Pour tous les politiciens, c’est réconfortant de voir cela, mais en même temps, ce serait mal avisé d’utiliser cela comme stratégie politique puis de dire “O.K., je vais gagner la prochaine élection”.

Parce que l’opinion des Canadiens aujourd’hui est largement influencée par le besoin d’être informé, rassuré, réconforté par leurs politiciens. En situation de crise, estime Geneviève Tellier, on ne prend plus les mêmes critères pour évaluer nos leaders.

Un départ boiteux

Dans l’entourage du premier ministre, certains conseillers admettent que les premiers jours ont été difficiles. On a minimisé l’importance de mettre Justin Trudeau à l’avant-plan, misant davantage sur la ministre de la Santé Patty Hajdu et l’administratrice en chef de la santé publique du Canada, la docteure Theresa Tam.

Après un début un peu hésitant, le chef libéral semble avoir repris les choses en main.

De sa résidence officielle, où il s’est placé en isolement parce que son épouse avait contracté la maladie, il fait le point quotidiennement depuis un peu plus d’une semaine. C’est devant sa porte qu’il a annoncé une série d’investissements pour venir en aide aux Canadiens et aux entreprises qui font les frais de la crise. Jusqu’ici, plus de 200 milliards de dollars ont été promis, et le gouvernement indique qu’il peut en faire davantage, qu’il sera là jusqu’à la fin.

Une approche manifestement plus efficace et qui semble avoir inspiré confiance aux Canadiens. Mais attention, lance la politologue Geneviève Tellier, il ne faudrait pas être super confiant que ce que l’on a fait, ça va nous assurer du succès dans l’avenir. Il y a trop d’incertitude, il y a trop d’interrogation dans ce sens-là. Et puis, il y a plein de choses qui peuvent arriver plus tard, alors ce qui fonctionne aujourd’hui ou le problème aujourd’hui, ce n’est pas le problème dans un an.

La dernière crise sanitaire qui a frappé le Canada, c’était en 2003. Le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) avait fait 44 victimes et plombé l’économie ontarienne. Le premier ministre de l’Ontario, le conservateur Ernie Eves, avait alors été cité en exemple pour sa gestion de la crise. Pourtant, six mois plus tard, lors des élections générales, les libéraux lui faisaient mordre la poussière, remportant les deux tiers des sièges. Comme quoi en politique, le présent n’est assurément pas garant de l’avenir.


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