Déconfinement : les Canadiens pêchent-ils par excès de confiance?

Écrit par sur 24 mai 2020

« Souvent », a d’abord dit Justin Trudeau avant de se reprendre. « Habituellement », a-t-il préféré pour parler d’une éventuelle seconde vague de la COVID-19. Habituellement, durant une pandémie, il y a une seconde vague et le premier ministre ne voit pas pourquoi cette fois-ci ferait exception.

Depuis deux semaines, les Canadiens attendent avec impatience le déconfinement. Collectivement enfermés depuis la mi-mars, ils réclament le droit de revoir les amis, la famille, de renouer avec leurs coiffeurs, de reprendre un semblant de vie normale.

Sauf que ce désir semble faire oublier que le virus est loin d’avoir été anéanti. Les gens sous-estiment le risque d’une seconde vague, dit une source dans l’entourage de Justin Trudeau. On marche sur une corde raide. Ça va bien pour l’instant, mais ça ne veut pas dire que cela va bien aller plus tard.

Alors pendant que les provinces regardent la courbe s’aplatir avec un peu d’optimisme et dévoilent graduellement la levée des restrictions, ce que l’on perçoit dans le ton de Justin Trudeau, c’est un peu l’inquiétude de celui qui voit l’éléphant dans la pièce : qu’arrivera-t-il si une seconde vague venait bouleverser ce retour à une normale si fragile?

Tester, dépister et retracer

Les chercheurs s’entendent généralement pour dire que la clé du succès se trouve dans la capacité du système à traquer la maladie. Il faut pouvoir tester à grande échelle et retrouver rapidement tous ceux qui ont été en contact avec une personne infectée. Un peu comme arracher un pissenlit avant que les graines ne se développent et qu’elles soient éparpillées par le vent.

Dès mars, le directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) exhortait les nations à tester, tester, tester. Ce devrait être, disait Tedros Adhanom Ghebreyesus, la base de la lutte contre la pandémie, sans quoi, c’était comme combattre un incendie les yeux bandés.

Le Canada a la capacité de faire 60 000 tests quotidiennement. Or, cette cible n’a pas encore été atteinte. Plusieurs régions […] n’ont pas besoin d’augmenter leur débit, a expliqué le premier ministre, parce qu’ils ont la situation sous contrôle. Mais ailleurs, comme en Ontario et au Québec, deux provinces durement touchées, on comprend mal pourquoi on peine à augmenter les chiffres.

La vraie réponse n’est pas trop claire, explique une source au ministère de la Santé. Si les provinces le savaient, on le règlerait.

Il y a bien eu le manque de réactif, d’écouvillons, le manque de personnel aussi, mais tout cela est à peu près réglé. Ottawa offre son aide, mais encore faut-il que les provinces l’acceptent. Difficile de s’imposer dans ces secteurs où le fédéral n’a pas juridiction.

Vendredi, par exemple, Justin Trudeau rappelait que des fonctionnaires et des intervieweurs de Statistiques Canada étaient disponibles pour aider à retracer ceux qui auraient pu être en contact avec une personne infectée. Une capacité de près de 24 000 appels par jour. Des ressources qui étaient disponibles depuis déjà quelque temps.

Il serait objectif de noter que Québec n’a pas atteint ses cibles et qu’il n’a accepté l’offre qu’après le dernier appel lancé par Justin Trudeau, explique une source au fait du dossier. L’Ontario l’avait fait quelques semaines plus tôt.

Se croiser les doigts

Malgré tout, d’un bout à l’autre du pays, on poursuit la levée des interdits en poursuivant le travail de fond pour voir arriver la seconde vague et l’endiguer sans délai.

François Legault a candidement admis cette semaine que sa province n’avait pas encore les moyens d’endiguer une nouvelle vague. Est-ce qu’on est prêts?, a-t-il demandé en point de presse. Pas encore.

Et pour les optimistes convaincus que le virus n’ira pas d’une deuxième offensive, la médecin hygiéniste en chef de la Colombie-Britannique a braqué les projecteurs sur l’éléphant. Historiquement, nous n’avons jamais connu une pandémie où il n’y a pas eu de seconde vague, a dit la Dr Bonnie Henry au micro de la CBC.

L’exemple le plus récent remonte à 2003. Sans nouveaux cas pendant trois semaines, l’Ontario avait convaincu l’OMS que le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) était sous contrôle. C’était le 30 avril. Trois semaines plus tard, cinq nouveaux cas étaient rapportés, marquant ce qui est devenu la seconde vague du SRAS.


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