Sauvegarde du patrimoine : Québec manque à ses devoirs

Écrit par sur 3 juin 2020

La vérificatrice générale du Québec blâme sévèrement le ministère de la Culture et des Communications (MCC) pour son manque de leadership en gestion du patrimoine immobilier. Dans un rapport déposé mercredi, Guylaine Leclerc identifie aussi des « zones à risques » dans la gestion des données personnelles à la Régie de l’assurance-maladie du Québec (RAMQ) et à Retraite Québec.

« Il n’y a pas de stratégie d’intervention en matière de patrimoine immobilier », selon le rapport, qui note également « une absence de vision et de résultats » à atteindre.

Conséquemment, les interventions du Québec sont « insuffisantes », « manquent de cohérence » et adoptent une posture « réactive », soit en attente des propositions pour protéger (par le biais du classement) certains immeubles.

Dans ce contexte, le MCC est incapable d’assumer ses responsabilités pour protéger les édifices patrimoniaux. Résultat : les villes et les propriétaires d’immeubles historiques sont laissés à eux-mêmes, souvent sans l’expertise ou les ressources nécessaires pour la sauvegarde.

Villes et villages négligés

Depuis l’adoption de la Loi sur le patrimoine culturel en 2012, les municipalités sont dotées de pouvoirs importants pour la protection du patrimoine, mais sans obligation légale.

Comme le revenu des villes dépend de l’impôt foncier, plusieurs sont tentées d’autoriser la démolition d’édifices historiques au profit d’un développement ayant un plus grand potentiel de taxation.

La tentation est d’autant plus grande que plusieurs localités estiment ne pas avoir les ressources ou l’expertise pour assurer la sauvegarde.

Guylaine Leclerc rapporte par ailleurs que 80 % des municipalités mentionnent n’avoir reçu « aucune communication du MCC en lien avec une vision du patrimoine immobilier ».

Le programme visant l’embauche d’agent de développement annoncé en décembre 2019 par la ministre Nathalie Roy a des visées « louables » mais il demeure temporaire, et son efficacité est « incertaine », selon la vérificatrice.

La vérificatrice générale Guylaine Leclerc a déposé mercredi son rapport à l’Assemblée nationale du Québec.

Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel

Les propriétaires négligés

Outils et soutien manquent aux acquéreurs d’immeubles protégés. Plusieurs ne peuvent compter sur aucun plan de conservation, selon Guylaine Leclerc.

Cela représente un véritable casse-tête pour les propriétaires qui doivent demander des autorisations de travaux de rénovation ou d’entretien.

Pour ce qui est de l’aide financière, la vérificatrice générale estime que le MCC manque d’information pour tracer un bilan adéquat. Les données actuelles suggèrent que « l’objectif de certains programmes n’a pas été atteint ».

Délais du classement

Le rapport déplore par ailleurs les ratés du processus de classement qui vise à protéger les biens patrimoniaux. Il observe aussi que le classement « ne fait pas l’objet d’un traitement diligent et équitable ».

Non seulement le cadre d’évaluation pour les classements est-il incomplet, mais il dépend d’analyses de « qualité variable et peu documentées ».

Qui plus est, environ 20 % des propositions sont toujours en traitement depuis plus de 10 ans. Seul le quart est traité en moins d’un an.

Cordonnier mal chaussé

Enfin, Guylaine Leclerc estime que l’État québécois ne donne pas l’exemple :« des immeubles du gouvernement sont laissés vacants depuis de nombreuses années » et, dans certains cas, le gouvernement lui-même ne respecte pas la loi.

La vérificatrice observe par exemple que des travaux ont été réalisés sur des immeubles classés sans autorisation du MCC. D’autres édifices ont été négligés, comme l’ancienne centrale hydroélectrique des Cèdres ou l’ancienne école des Beaux-arts de Montréal.

Le rapport formule neuf recommandations au gouvernement, dont l’élaboration d’une stratégie d’intervention en matière de sauvegarde et de valorisation du patrimoine immobilier.

Accès privilégiés et honnêteté

Dans un autre domaine, celui de la protection des données confidentielles, Guylaine Leclerc s’est intéressée à la RAMQ et à Retraite Québec, qui en possèdent un grand volume. Son audit visait à déterminer si elles appliquent les mesures de contrôle et de sécurité nécessaires […].

La vérificatrice recommande d’améliorer les contrôles et les mesures de sécurité. Car, tant pour la RAMQ que pour Retraite Québec, il y a des « zones à risques ».

Dans un premier temps, a expliqué Mme Leclerc, nous avons constaté que la RAMQ et Retraite Québec ne contrôlent pas assez les activités du personnel ayant des accès privilégiés. En s’assurant de l’honnêteté de ces personnes par la vérification de leurs antécédents judiciaires, par exemple.

Dans un deuxième temps, la supervision doit être renforcée lorsque le personnel ayant des accès privilégiés télécharge des données confidentielles, dit Mme Leclerc.

La RAMQ et Retraite Québec n’ont pas d’indicateurs de gestion leur permettant d’identifier les situations à risques et d’assurer le suivi de celles-ci, dit-elle encore.

Contrats mal évalués aux Transports

Pour ce qui est du ministère des Transports, la vérificatrice revient une fois de plus à la charge pour relater des ratés dans sa gestion des contrats.

Elle note l’importante pénurie d’ingénieurs au ministère, de même que le manque de rigueur dans l’estimation des coûts des travaux à effectuer.

Ainsi, a-t-elle constaté, près de la moitié (44 %) des contrats de construction octroyés ont été surévalués ou sous-évalués de 10 % ou plus.


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